Les leviers

Si l’intercommunalité présente un intérêt croissant pour la culture, c’est parce qu’elle est un levier de développement à plusieurs dimensions.

Tout d’abord, la nouvelle institution qu’est, dans le jargon, un EPCI, est de plus en plus compétente dans des domaines en extension régulière, mais elle est le plus souvent mal connue, peu repérée spontanément par les habitants. Les transformations de périmètres par fusion, induits par la loi NOTRe, ont encore renforcé cette impression que l’intercommunalité restait certes un niveau d’avenir, mais à l’image un peu artificielle, voire technocratique. Dans ce contexte, l’intervention artistique et culturelle peut constituer le ciment social et spatial qui manque pour passer de l’identité institutionnelle à l’identification politique et sociale. Ajoutons, même si ce n’est pas le cœur des enjeux, que la progression des responsabilités communautaires en culture se traduit par de réelles retombées fiscales, du côté des dotations d’État.

Le deuxième levier de développement réside précisément dans la jeunesse de cette nouvelle échelle d’action. En tant que telle, elle est moins contrainte au respect d’un héritage, des filières et prés carrés, que ce que l’on peut observer dans la continuité de mandats municipaux ou départementaux. Du même coup, la nouvelle échelle peut rimer plus facilement avec des innovations thématiques, dont celles qui résultent des intersectorialités que nous avons vues précédemment. On peut penser, par exemple, aux nouvelles références que constituent les droits culturels ou à la participation active des citoyens.

Le troisième levier associe le changement d’échelle avec une sortie de l’entre-soi territorial, et soutient l’idée que la culture soit le moyen de (re)faire société. Dans les récits intercommunaux, il n’est pas rare de croiser l’incrédulité d’un responsable d’établissement à l’idée de déployer son offre au-delà des frontières de « sa » ville. Persuadé(e) que la périphérie rime avec toutes les autres distances (sociales, culturelles, esthétiques), tout projet commun serait impossible. Il devient fréquent de croiser les mêmes, quelques saisons plus tard, convaincus que leur projet, à cette nouvelle échelle, a certes bouleversé le bel ordonnancement initial, mais a donné un sens nouveau au projet artistique et culturel sur le long terme. L’intercommunalité, c’est une occasion rare de dépasser les idées toutes faites que chacun des protagonistes se fait de l’autre. En ce sens, et par la culture, elle fait société.

On l’aura compris, aucune de ces trois raisons ne constitue un argument automatique pour des projets culturels intercommunaux à la fois nombreux et nouveaux. Les imaginer, puis les défendre et les faire partager reste le chemin de convaincus dont il faut, sans cesse, élargir le cercle.

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