La lumière bleue : un risque sanitaire

La lumière bleue : effets sur l’œil

En 2010, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié un rapport d’expertise sur les effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des LED. Parmi les effets identifiés comme étant préoccupants, figurent un risque de toxicité de la lumière bleue sur l’œil (surtout chez l’enfant), ainsi qu’un risque d’éblouissement. Les LED blanches à forte composante chromatique bleue et à forte luminance (c’est-à-dire à forte sensation visuelle de luminosité) sont ainsi directement incriminées. Les médias ont relayé ce rapport sans en avoir complètement analysé les 310 pages et certaines interprétations ont largement contribué à alimenter les légendes urbaines. En 2019, l’ANSES publie une nouvelle expertise qui confirme ce risque de phototoxicité lié aux émissions de lumière bleue tout en précisant que les données disponibles ne permettent pas de déterminer avec précision l’importance du risque de pathologie oculaire. Ce nouveau rapport souligne toutefois que les sources d’éclairage domestique à LED de type « blanc chaud » présentent un faible risque de phototoxicité et ne se distinguent pas en cela des sources d’éclairages « traditionnelles ». D’autre part, cette étude met en évidence la perturbation des rythmes biologiques (rythme circadien) par une exposition nocturne à une lumière riche en rayonnements bleus.

Cellule à mélanopsine et lumière du jour

© 2023 leclairage.frSensibilité des cellules à mélanopsine de l'œil. Ces cellules ont un effet sur le rythme circadien (cycle veille-sommeil, vigilance, constriction pupillaire). Leur sensibilité se situe dans les radiations bleues.

© 2023 leclairage.fr

Sensibilité des cellules à mélanopsine de l'œil. Ces cellules ont un effet sur le rythme circadien (cycle veille-sommeil, vigilance, constriction pupillaire). Leur sensibilité se situe dans les radiations bleues.

L’intensité, la durée et la fréquence d’exposition

En mars 2019, la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE) a tenu à s’exprimer sur ce sujet, et plus particulièrement sur l’amalgame fait par les médias entre les LED et le « danger de la lumière bleue » (« blue light hazard »), expression présumée pour décrire conjointement le risque de dommages oculaires réels et l’influence sur le bien-être en général : « La référence aux « dangers de la lumière bleue » devrait être réservée au risque photochimique sur la rétine, usuellement associé à l’exposition à des sources de lumière vive, comme le soleil ou les arcs de soudure… L’expression « dangers de la lumière bleue »ne devrait pas être utilisée pour faire référence aux dérèglements du rythme circadien ou aux troubles du sommeil. » Le risque des dommages photochimiques dépend de la longueur d’onde ; il est maximal dans la gamme bleue du spectre visible (entre 435 et 440 nanomètres), mais il dépend aussi énormément de l’intensité, de la durée et de la fréquence d’exposition. La Commission Internationale pour la Protection contre les Rayonnements Non Ionisants (ICNIRP, « International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection ») a publié des recommandations sur les limites d’exposition. Or, dans des conditions d’usage raisonnables et habituelles, l’exposition aux sources d’éclairage « blanches » (dont les niveaux de rayonnements bleus sont moins élevés que ceux d’un éclairage naturel par ciel bleu) n’atteint pas les seuils nécessaires pour s’exposer à un danger aigu.

Simultanément à la déclaration de la CIE, l’Association Française de l’Éclairage (AFE) reconnaît les effets des rayonnements bleus sur le cycle du sommeil ainsi que par une vive exposition sur les photorécepteurs de l’œil. Elle se veut toutefois rassurante et rappelle quelques règles « d’hygiène lumineuse » en insistant sur l’importance d’une bonne exposition à la lumière naturelle pour limiter l’impact de l’exposition aux écrans en soirée et sur l’importance de porter des lunettes de soleil par beau temps pour se protéger du soleil, principale et plus forte source de rayonnements bleus à laquelle l’Humain est confronté quotidiennement et naturellement.

Et le soleil alors ?

L’émission optimale des rayonnements du soleil se situe aux environs de 504 nm (bleu-vert). Contrairement à ce que l’on pourrait croire de façon intuitive, le soleil émet plus de rayonnements bleus que de rayonnements jaune ou orangé.

Quantité de rayonnements bleus

Sources lumineuses

Quantité de rayonnements bleus

Lumière du jour à midi

40%

LED 4000K

Entre 27% et 32%

LED 3000K

20%

LED 2700K

Entre 17% et 20%

Halogène 3000K

13%

Haute Pression de Sodium

10%

Proportion de rayonnements bleus selon le type de sources.

Les précautions à prendre

Il est donc possible d’affirmer que les rayonnements bleus sont toxiques pour la rétine dans la mesure où ils peuvent l’atteindre de façon suffisamment intense et pendant une durée suffisamment longue, ce qui est peu probable dans des circonstances normales d’éclairage (il n’est pas considéré comme normal de regarder fixement une source de lumière intense, qu’il s’agisse du soleil, d’un arc électrique ou d’une LED de forte puissance). Il faut néanmoins veiller à protéger les enfants (dont la cornée et le cristallin ne filtrent pas le bleu) des fortes expositions aux radiations bleues, notamment celles de la lumière du soleil, en été ou aux sports d’hiver. Les rayonnements bleus issus des sources d’éclairage LED ne sont pas plus toxiques que ceux issus de la lumière naturelle et leur taux est inférieur à ceux du soleil au zénith. Il est possible de limiter les effets de dérèglement du cycle circadien par l’exposition aux écrans en respectant une distance raisonnable vis-à-vis d’eux et en favorisant un éclairage environnant suffisant. De plus, il est possible de modifier automatiquement la température de couleur de son écran à partir d’une heure définie en début de soirée pour en limiter les rayonnements bleus.

En matière d’éclairage pour le spectacle vivant, il s’agit donc essentiellement d’être vigilant lorsqu’il est question d’éclairer la totalité de la scène avec une lumière bleue de très forte intensité, pendant un très long moment, surtout si des enfants participent au spectacle. D’autre part, ne perdons pas de vue que le travail dans l’obscurité et l’absence de lumière naturelle constitue le risque oculaire le plus courant auquel les différents acteurs de la scène (les artistes, mais aussi et surtout les techniciens) sont exposés.

Comparaison de luminances

Surfaces lumineuses

Luminance en candela/m2

Soleil au zénith

1 000 000 000

Lampe aux iodures métalliques

De 200 000 à 500 000

Tube fluorescent Ø16

De 17 000 à 33 000

Neige (ou papier blanc) au soleil

25 000

Ciel bleu

De 1 000 à 20 000

Pleine lune

2 000

Écran Oled

De 1 000 à 1500

Écran LCD-TFT

De 250 à 500

Quantité de lumière à laquelle nos yeux sont exposés.

On peut observer que l’œil humain s’expose à une luminosité de 5 à 20 fois plus intense face à l’éclairage naturel extérieur que face à des écrans. En outre, dans le cas de l’éclairage naturel (ciel bleu ou soleil en secteur enneigée) la surface lumineuse est immensément plus grande que celle d’un écran, augmentant encore la quantité de lumière à laquelle l’œil est exposé.

{{ props.message }}