Les acteurs culturels et habitants
Pour avoir du sens, la
Habitants, associations, responsables de structures, enseignants, etc. seront les « faiseurs » et les « récepteurs » de ces futures orientations culturelles. Élus, techniciens, experts culturels ont des connaissances du territoire à croiser et à enrichir avec celles des usagers (habitants, associations, responsables de structures,
Pour autant, il ne s’agit pas de créer un effet « carnet de commandes individuelles » que la
Ces croisements de regards expert/usager ou technicien de la collectivité/habitant ont plusieurs vertus :
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ils enrichissent la qualité du projet culturel de territoire
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ils facilitent l’appréhension des mécanismes de politiques publiques aux habitants du territoire
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ils permettent également à chacun de comprendre la part active et le rôle qu’il pourra jouer pour que le développement culturel de son territoire avance, et responsabilise donc les acteurs locaux et les habitants dans leur place dans la société
Enfin, créer des espaces d’échanges provoque de formidables dynamiques entre les acteurs du territoire. (Voir aussi : L'animation)
Claude Thomas
Seille et Grand Couronné (54)
Impliquer et mobiliser les acteurs tout au long de la démarche du projet culturel et mettre en place un mode d’organisation collaboratif ne s’improvise pas. L’Agence culturelle Grand Est s’est tournée en septembre 2021 vers Claude Thomas, président de la communauté de communes de Seille et Grand Couronné, fervent pratiquant de l’intelligence collective.
Dès la formation de la communauté de communes en 2017, une démarche participative, soumise au vote des citoyens, est élaborée afin d’en déterminer le nom. Ce territoire rural et péri-urbain regroupe 42 communes, plus de 18 500 habitants et voisine la ville de Nancy. Claude Thomas, déjà maire d’Eulmont depuis 2014 est, dès la fusion, élu président de l’intercommunalité et met depuis à profit sa riche expérience dans l’éducation populaire et la vie associative.
Vous venez de finir de définir la stratégie de votre projet culturel, quelles ont été les grandes étapes ?
La première étape, je dirais que c’est une rencontre avec la DRAC et des convictions qui se rejoignent sur la bonne idée de réfléchir un projet de territoire sur un territoire comme le nôtre. La deuxième étape a été de mobiliser et convaincre sur cette bonne idée. Et ensuite, c’est la construction collective et puis l’aboutissement sur des perspectives qui nous semblent intéressantes.
Comment mobiliser et convaincre, justement ?
Je fais partie des élus qui sont convaincus qu’un territoire c’est déjà des habitants, qu’une communauté de communes, ce n’est pas seulement des services mais du développement local. Nous avons 42 communes donc 42 maires qui n’ont pas forcément les mêmes points de vue sur ces questions-là... De par mon histoire personnelle, ancrée dans l’éducation populaire et la vie associative, je suis militant avant d’être élu et c’est ce qui m’emmène vers le collectif. On peut compter sur l’intelligence collective dès lors qu’on réunit les ingrédients pour pouvoir mobiliser cette intelligence. Je suis toujours agréablement surpris de la capacité qu’ont les gens à inventer, à créer, à se rassembler – même chez les plus réticents. On se laisse embarquer par le collectif.
Qu’est-ce qu’une « intelligence collective » qui fonctionne ?
Ce n’est pas anodin de partir sur un projet culturel de territoire, mais il y a une densité d’associations importantes, des gens qui sont attentifs à la question culturelle. On sait qu’on peut s’appuyer sur eux, les élus y sont attentifs. L’astuce c’est donc aussi de mobiliser des gens qui sont déjà sur le terrain.
Côté élus, il faut accepter qu’on ne connaît pas tout et cette peur de l’inconnu peut être paralysante. Ça c’est un frein un peu compliqué. Mais quand vous proposez à un groupe une co-construction et de donner une place à ceux qui ont envie de la prendre, c’est compliqué de s’y opposer, alors, on se laisse embarquer.
Quelles ont été vos préoccupations ?
Nous n’avons pas de grosse structure culturelle. En revanche, l’environnement est agréable. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut s’appuyer sur cet environnement et donc, pourquoi pas, développer des résidences d’artistes. Nous souhaitons quelque chose qui s’inscrive dans le temps, qui prenne du sens, qui puisse embarquer les habitants et créer la surprise. Notre plus grand souci est de poser la question du sens : pourquoi travaille-t-on avec telle troupe de théâtre ? C’est quoi le message qu’elle pourrait travailler avec les habitants sur la durée ? Je voulais que l’éducation populaire reste au cœur du dispositif, qu’on n’ait pas un projet culturel qui vienne parachuter 10 spectacles dans l’année et point barre. J’avais envie qu’on parle de médiation ; qu’on s’appuie sur la vie associative.
Lors de la définition d’un projet culturel, il s’agit de mobiliser et sensibiliser la population mais aussi les élus, comment vous y êtes-vous pris ?
En 2019, on a travaillé sur un projet de territoire. La première chose a été d’aller à la rencontre des habitants : devant la boulangerie, au marché, au don du sang. On a recueilli 180-200 paroles d’habitants. L’idée, c’était de leur poser des questions directes, un peu provocantes. C’est durant la seconde phase que nous avons travaillé avec les élus et les porteurs de projet : représentants associatifs et animateurs du territoire. La dernière phase elle, n’a concerné que les élus pour nous projeter vers 2030 et inscrire le projet dans la durée.
Les arguments pour mobiliser les uns et les autres sont-ils différents ?
Ce n’est pas pour rien que le PCT a été inscrit dans le projet de territoire. Pointer la culture, l’économie et le tourisme, ça parle aux élus. Je suis convaincu que la vie sociale et culturelle a un vrai poids sur l’économie. Et quand on parle d’économie aux élus, ils ont les yeux qui brillent. Il fallait aborder la question culturelle par ce biais, mais pas seulement car les acteurs culturels et militants du territoire ne se voient pas convaincre sur les mêmes questions. J’ai la chance d’être dans un village foyer rural qui travaille sur la question du lien social et pas seulement de l’animation depuis très longtemps. Ils ont été des alliés, y compris dans le conseil, car ils sont exigeants dans les explications qu’ils demandent.
Il s’agit aussi de continuer à entretenir les relations avec les acteurs hors temps publics d’échange, quels outils avez-vous utilisé ?
Les réseaux sociaux classiques : deux personnes travaillent sur la communication. Nous avons aussi un journal aussi qui s’appelle Le comm’1 qui sort deux fois par an. J’avais vraiment envie que ce journal ne soit pas le journal de la communauté de communes et des vice-présidents « chargés de ». Un territoire d’abord, ce sont de habitants et des pépites ! Pour le journal, on va à la rencontre de ces gens-là, on montre comment une pièce de théâtre se construit, et je crois que le projet culturel s’exprime au travers de ce journal. Les services que la communauté de communes rend se voient au travers des habitants.
Comment envisagez-vous votre rôle ? Pivot, leader, intermédiaire ? Et quelle est son importance ?
Quand on a une deux trois quatre personnes qui racontent une aventure dans laquelle elles ont envie d’embarquer des gens qui les écoutent, quelque part, elles sont leader. Il y a des valeurs qui me portent. Quand j’ai été élu maire et président, je me suis dit : il ne faut pas oublier toutes ces valeurs-là : émancipation, transformation sociale, autonomie. Je crois à tout ça et je le montre quand je propose au conseil communautaire des Rendez-vous du territoire tous les deux mois avec les habitants, des soirées de débats et d’échanges autour des projets en cours. L’idée est de rencontrer les habitants et d’expliquer, d’être transparent. Après chaque élection, face à la montée des extrêmes et du taux d’abstention je me demande : c’est quoi mon rôle ? Comment reconquérir la citoyenneté ? La culture est vectrice de citoyenneté, et c’est ma responsabilité d’élu de mettre en place des choses pour encourager la citoyenneté et la participation.