Le plan de prévention et le protocole de sécurité

Boris Montaye

Directeur technique de La Comète, scène nationale

Châlons-en-Champagne (51)

À La Comète, nous disposons de deux salles pour les représentations, répétitions et expositions (entre 300 et 750 places au total), d’une salle circulaire en dur dédiée au cirque, et d’une salle de cinéma classée Art et Essai de 150 places. Nous accueillons du théâtre, de la danse contemporaine, du cirque et des concerts pour une ouverture quasiment quotidienne.

J’ai pris mon poste début février 2020, une grande partie de mon travail a donc été de me concentrer sur la question sanitaire. J’ai également réécrit le protocole sécurité. Cela m’a permis de me familiariser avec tous les acteurs et de prendre conscience de complexités qui concernent le droit du travail, la santé et la sécurité au travail. On touche là aussi bien à l’aménagement des postes de travail qu’à leur ergonomie. De cette manière, j’ai aussi récupéré la mémoire du lieu. En 2016, le dernier document unique a été édité et n’a jamais été mis à jour. Je suis donc en plein travail pour le construire car depuis, le personnel a changé, les postes ont changé. J’organise des entretiens individuels avec chaque salarié pour construire les fiches de poste, organiser le plan de formation et prévoir les autorisations nécessaires pour le travail en nacelle ou les perches motorisées par exemple. Sur une salle comme la nôtre, la programmation est très dense et j’organise les plannings en réduisant la voilure. Les risques se situent aussi là, lorsque le temps de travail est intense.

- 2020 -

Le plan de prévention : une démarche de prévention des risques

Le plan de prévention des risques professionnels fait partie d’une démarche globale de prévention à mettre en place dès qu’une "entreprise extérieure" intervient chez une "entreprise utilisatrice".

C’est l’interférence, la co-activité entre les entreprises qui impose cette démarche.

Cette démarche porte aussi le nom de "démarche de prévention des risques d’interférence".
CODE DU TRAVAIL, L4511-1 & R4511-1 à 12 & R4512-1 à 16 & R4513-1 à 13 & R4514-1 à 10

Les définitions

Le risque d’interférence

Il s’agit de risques résultant de la présence de personnels, d’installations et de matériels de différentes entreprises sur un même lieu de travail. Ces risques d’interférence s’ajoutent aux risques propres aux locaux et à l’activité de chaque entreprise, y compris les sous-traitants.

L’entreprise utilisatrice

C’est l’entreprise d’accueil pour le compte de laquelle l’opération est effectuée par du personnel appartenant à d’autres entreprises, qu’il y ait ou non une relation contractuelle avec les entreprises extérieures.

L’entreprise extérieure

C’est l’entreprise indépendante de l’entreprise utilisatrice, amenée à faire travailler son personnel ponctuellement ou en permanence dans les locaux de l’entreprise qui l’accueille, qu’il y ait ou non une relation contractuelle entre elles.

L’opération

On entend par opération les travaux ou prestations de services réalisés par une ou plusieurs entreprises afin de concourir à un même objectif.

Quelques exemples :

  • Une entreprise de nettoyage intervient tout au long de l’année pour l’entretien des locaux d’une Maison des Jeunes et de la Culture.
    L’entreprise de nettoyage est "l’entreprise extérieure", la MJC est "l’entreprise utilisatrice".
  • Une compagnie de danse intervient en résidence pendant deux semaines dans un théâtre.
    La compagnie de danse est "l’entreprise extérieure", le théâtre est "l’entreprise utilisatrice".
  • Une entreprise de maintenance d’ascenseurs intervient pour réparer un monte-décors sur la scène de l’Opéra.
    L’entreprise de maintenance des ascenseurs est "l’entreprise extérieure", l’Opéra est "l’entreprise utilisatrice".
  • Une compagnie de cirque va présenter sur la scène du Centre Dramatique National un spectacle pendant plusieurs jours de représentations.
    La compagnie de cirque est "l’entreprise extérieure", le Centre Dramatique National est "l’entreprise utilisatrice".

Le contexte dans le code du travail

La coordination de la démarche de prévention

Le chef de l’entreprise utilisatrice assure la coordination générale des mesures de prévention qu’il prend, et de celles que prennent l’ensemble des chefs des entreprises extérieures intervenant dans son établissement. Chaque chef d’entreprise est responsable de l’application des mesures de prévention nécessaires à la protection des travailleurs qu’il emploie.

L’inspection commune préalable

L’entreprise utilisatrice doit procéder, préalablement à l’exécution de l’opération et à une date proche de celle-ci, à une inspection commune :

  • des lieux de travail ;
  • des installations qui s’y trouvent ;
  • des matériels éventuellement mis à disposition des entreprises extérieures.

Toutes les entreprises, sous-traitants compris, concourant à l’exécution d’une même opération doivent participer simultanément à l’inspection commune préalable, afin d’assurer leurs informations réciproques.

Durant l’inspection, le chef de l’entreprise utilisatrice doit également :

  • délimiter le secteur d’intervention des entreprises extérieures ;
  • matérialiser les zones de ce secteur qui peuvent présenter des dangers pour les travailleurs ;
  • indiquer les voies de circulation que pourront emprunter les travailleurs ainsi que les véhicules et engins de toute nature appartenant aux entreprises extérieures ;
  • définir les voies d’accès des travailleurs aux locaux et installations à l’usage des entreprises extérieures (notamment les installations sanitaires, vestiaires collectifs et locaux de restauration).

Le chef de l’entreprise utilisatrice communique aux chefs des entreprises extérieures ses consignes de sécurité applicables aux travailleurs chargés d’exécuter l’opération.

Les employeurs se communiquent toutes les informations nécessaires à la prévention des risques, notamment la description des opérations à accomplir, des matériels utilisés et des modes opératoires dès lors qu’ils ont une incidence sur la santé et la sécurité.

L’élaboration commune du plan de prévention

Au vu des informations et éléments recueillis au cours de l’inspection commune préalable, les chefs des entreprises utilisatrices et extérieures procèdent en commun à une analyse des risques pouvant résulter de l’interférence entre les activités, installations et matériels.

Lorsque ces risques existent, les employeurs arrêtent d’un commun accord, avant le début des opérations un plan de prévention définissant les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir ces risques.

Dans certains cas, le plan de prévention devra être réalisé par écrit.

Le plan de prévention est établi par écrit et arrêté avant le début des opérations dans les deux cas suivants :

  • Dès lors que l’opération à réaliser par les entreprises extérieures, y compris les entreprises sous-traitantes auxquelles elles peuvent faire appel, représente un nombre total d’heures de travail prévisible égal au moins à 400 heures sur une période inférieure ou égale à douze mois, que les travaux soient continus ou discontinus. Il en va de même dès lors qu’il apparaît, en cours d’exécution des opérations, que le nombre d’heures de travail doit atteindre 400 heures.
    Le seuil des 400 heures est calculé en additionnant l’ensemble des contrats conclus pour la réalisation d’une même opération, par une ou plusieurs entreprises extérieures.

  • Quelle que soit la durée prévisible de l’opération, lorsque les travaux à accomplir sont au nombre des travaux dangereux figurant sur une liste fixée, respectivement, par arrêté du ministre chargé du Travail et par arrêté du ministre chargé de l’Agriculture (voir l’arrêté plus bas).

Le contenu du plan de prévention

Le plan de prévention devra obligatoirement mentionner les points suivants :

  • la définition des phases d’activités dangereuses et des moyens de prévention spécifiques correspondants ;
  • l’adaptation des matériels, installations et dispositifs à la nature des opérations à réaliser ainsi que la définition de leurs conditions d’entretien ;
  • les instructions à donner aux travailleurs ;
  • l’organisation mise en place pour assurer les premiers secours en cas d’urgence et la description du dispositif mis en place à cet effet par l’entreprise utilisatrice ;
  • les conditions de la participation des travailleurs d’une entreprise aux travaux réalisés par une autre en vue d’assurer la coordination nécessaire au maintien de la sécurité et, notamment, de l’organisation du commandement ;
  • la répartition des charges d’entretien entre les entreprises extérieures dont les travailleurs utilisent les locaux et installations mis à disposition par l’entreprise utilisatrice (sanitaires, vestiaires, cantine, etc.).

De plus, doivent être joints au plan de prévention :

  • la liste, fournie par chaque entreprise, des postes occupés par les travailleurs susceptibles de relever du suivi individuel renforcé, en raison des risques liés aux travaux réalisés dans l’entreprise utilisatrice ;
  • les dossiers techniques regroupant les informations relatives à la recherche et à l’identification des matériaux contenant de l’amiante ou, le cas échéant, le rapport de repérage de l’amiante.

Des documents particuliers doivent être annexés au plan de prévention lorsque les travailleurs d’une entreprise extérieure réalisent :

  • une activité pyrotechnique sur le site d’une entreprise utilisatrice ;
  • une activité non-pyrotechnique dans une installation pyrotechnique d’une entreprise utilisatrice.

Cette liste non-exhaustive sera à compléter en fonction des risques inhérents à l’opération.

Exemple de plan de prévention

exemple_plan_de_prevention.pdf

Les informations préalables pour les salariés

Avant le début des opérations et sur le lieu même de leur exécution, le chef de l’entreprise extérieure :

  • fait connaître à l’ensemble des travailleurs qu’il affecte à ces opérations, les dangers spécifiques auxquels ils sont exposés et les mesures de prévention mises en œuvre ;
  • précise notamment les zones dangereuses ainsi que les moyens adoptés pour les matérialiser ;
  • explique l’emploi des dispositifs collectifs et individuels de protection ;
  • montre à ces travailleurs les voies à emprunter pour accéder au lieu d’intervention et le quitter, pour accéder aux locaux et installations mis à leur disposition ainsi que, s’il y a lieu, les issues de secours.

Les mesures à prendre pendant l’exécution de l’opération

La mise en œuvre des mesures de prévention

Pendant l’exécution des opérations, chaque entreprise met en œuvre les mesures prévues par le plan de prévention. Le chef de l’entreprise utilisatrice s’assure auprès des chefs des entreprises extérieures que les mesures décidées sont exécutées.

Lorsque de nouveaux travailleurs sont affectés à l’exécution des opérrations, le chef de l’entreprise extérieure en informe le chef de l’entreprise utilisatrice. Le chef de l’entreprise extérieure est tenu, à l’égard de ces travailleurs, aux obligations d’information.

Les inspections et réunions périodiques

Le chef de l’entreprise utilisatrice organise, avec les chefs des entreprises extérieures qu’il estime utile d’inviter, des inspections et réunions, selon une périodicité qu’il définit, afin d’assurer, en fonction des risques ou lorsque les circonstances l’exigent :

  • soit la coordination générale dans l’enceinte de l’entreprise utilisatrice ;
  • soit la coordination des mesures de prévention pour une opération donnée ;
  • soit la coordination des mesures rendues nécessaires par les risques liés à l’interférence entre deux ou plusieurs opérations.

Les mises à jour du plan de prévention

Les mesures prises lors de la coordination font l’objet d’une mise à jour du plan de prévention.

Les autres mesures

Les articles R4513-9 à 13 du Code Du Travail traitent des échanges à mener entre les entreprises et la médecine du travail, sur le plan de prévention.
Les articles R4514-1 à 10 du Code Du Travail traitent des échanges à mener entre les entreprises et les Comités Sociaux et Économiques (CSE).

La liste des travaux dangereux

Arrêté du 19 mars 1993 fixant, en application de l’article r. 237-8 du Code du Travail, la liste des travaux dangereux pour lesquels il est établi par écrit un plan de prévention.

Un plan de prévention est établi par écrit pour les travaux dangereux ci-après énumérés :

  • Travaux exposant à des rayonnements ionisants.

  • Travaux exposant à des substances et préparations explosives, comburantes, extrêmement inflammables, facilement inflammables, très toxiques, toxiques, nocives, cancérogènes, mutagènes, toxiques vis-à-vis de la reproduction.

  • Travaux exposant à des agents biologiques pathogènes.

  • Travaux effectués sur une installation classée faisant l’objet d’un plan d’opération interne.

  • Travaux de maintenance sur les équipements de travail, autres que les appareils et accessoires de levage, qui doivent faire l’objet des vérifications périodiques prévues à l’article R. 233-11 du Code du Travail, ainsi que les équipements suivants :

  • véhicules à benne basculante ou cabine basculante

  • machines à cylindre

  • machines présentant les risques définis aux deuxième et troisième alinéas de l’article 233-29 du Code du Travail.

  • Travaux de transformation au sens de la norme NF P 82-212 sur les ascenseurs, monte-charges, escaliers mécaniques, trottoirs roulants et installations de parcage automatique de voitures.

  • Travaux de maintenance sur installations à très haute ou très basse température.

  • Travaux comportant le recours à des ponts roulants, grues ou transtockeurs.

  • Travaux comportant le recours aux treuils et appareils assimilés mus à la main, installés temporairement au-dessus d’une zone de travail ou de circulation.

  • Travaux exposant au contact avec des pièces nues sous tension supérieure à la T.B.T. (≤ 50 Volts en courant alternatif).

  • Travaux nécessitant l’utilisation d’équipements de travail auxquels est applicable l’article R. 233-9 du Code du Travail.

  • Travaux du bâtiment et des travaux publics exposant les travailleurs à des risques de chute de hauteur de plus de 3 mètres, au sens de l’article 5 du décret n° 65-48 du 8 janvier 1965.

  • Travaux exposant à un niveau d’exposition sonore quotidienne supérieure à 90 dB (A) ou à un niveau de pression acoustique de crête supérieure à 140 dB.

  • Travaux exposant à des risques de noyade.

  • Travaux exposant à un risque d’ensevelissement.

  • Travaux de montage, démontage d’éléments préfabriqués lourds, visés à l’article 170 du décret n° 65-48 du 8 janvier 1965.

  • Travaux de démolition.

  • Travaux dans ou sur des cuves et accumulateurs de matière ou en atmosphère confinée.

  • Travaux en milieu hyperbare.

  • Travaux nécessitant l’utilisation d’un appareil à laser d’une classe supérieure à la classe 3 A selon la norme NF EN 60825.

  • Travaux de soudage oxyacétylénique exigeant le recours à un permis de feu.

Le protocole de sécurité de chargement et de déchargement

Le protocole de sécurité, également appelé protocole de chargement et de déchargement, est une transposition simplifiée de la démarche du plan de prévention, pour les cas particuliers des opérations de chargement et de déchargement des engins de transport routier.

On entend par opération de chargement ou de déchargement, l’activité concourant à la mise en place ou à l’enlèvement sur ou dans un engin de transport routier, de produits, fonds et valeurs, matériels ou engins, déchets, objets et matériaux de quelque nature que ce soit.

Ainsi, les opérations de chargement ou de déchargement réalisées par une entreprise extérieure transportant des marchandises, en provenance ou à destination d’un lieu extérieur à l’entreprise utilisatrice (entreprise d’accueil) sont donc soumises à des règles simplifiées où le protocole de sécurité remplace le plan de prévention.

L’entreprise extérieure transportant des marchandises pouvant être un transporteur routier ou une compagnie de théâtre et les produits transportés pouvant être des décors, des matières premières, etc.

Le protocole de sécurité

Les opérations de chargement ou de déchargement font l’objet d’un document écrit, appelé “protocole de sécurité”, établi préalablement à la réalisation de l’opération et dans le cadre d’un échange entre les différents employeurs intéressés.

Un protocole doit être établi pour chaque opération de chargement ou de déchargement.

Lorsque le prestataire transporteur ne peut pas être identifié préalablement par l’entreprise d’accueil ou lorsque l’échange préalable n’a pas permis de réunir toutes les informations nécessaires, l’employeur de l’entreprise d’accueil fournit et recueille par tout moyen approprié les éléments qui se rapportent au protocole de sécurité.

Chaque employeur doit tenir le protocole de sécurité à disposition de son conseil économique et social et de l’inspection du travail.

Les opérations de chargement et de déchargement à caractère répétitif

Les opérations de chargement ou de déchargement à caractère répétitif sont celles qui répondent cumulativement aux conditions suivantes :

  • elles portent sur des produits ou substances de même nature ;
  • elles sont accomplies sur les mêmes emplacements et selon le même mode opératoire ;
  • elles mettent en œuvre les mêmes types de véhicules et de matériels de manutention.

Les opérations de chargement ou de déchargement à caractère répétitif impliquant les mêmes entreprises peuvent donner lieu à un seul protocole de sécurité.

Ce protocole unique doit alors être établi avant la première opération. Le protocole de sécurité ainsi établi reste applicable aussi longtemps que les employeurs intéressés considèrent que les conditions de déroulement des opérations n’ont subi aucune modification significative.

Le contenu du protocole de sécurité

Le protocole de sécurité comprend les informations utiles à l’évaluation des risques de toute nature, générés par l’opération, ainsi que les mesures de prévention et de sécurité à observer à chacune des phases de sa réalisation.

Pour l’entreprise d’accueil, le protocole de sécurité comprend, notamment, les informations suivantes :

  • les consignes de sécurité, particulièrement celles qui concernent l’opération de chargement ou de déchargement ;
  • le lieu de livraison ou de prise en charge, les modalités d’accès et de stationnement aux postes de chargement ou de déchargement accompagnées d’un plan et des consignes de circulation ;
  • les matériels et engins spécifiques utilisés pour le chargement ou le déchargement ;
  • les moyens de secours en cas d’accident ou d’incident ;
  • l’identité du responsable désigné par l’entreprise d’accueil, auquel l’employeur délègue, le cas échéant, ses attributions.

Pour le transporteur, le protocole de sécurité décrit notamment :

  • les caractéristiques du véhicule, son aménagement et ses équipements ;
  • la nature et le conditionnement de la marchandise ;
  • les précautions ou sujétions particulières résultant de la nature des substances ou produits transportés, notamment celles imposées par la réglementation relative au transport de matières dangereuses.

exemple_protocole_de_securite.pdf

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