Les évolutions esthétiques au théâtre


À travers les derniers siècles, les intentions et les finalités esthétiques n’ont cessé d’évoluer au rythme des innovations techniques mais aussi des évolutions sociales, culturelles, économiques et politiques. Si en premier lieu l’éclairage a été considéré sous son aspect le plus utilitaire comme un moyen permettant de « voir » le spectacle, il a très vite été appelé à répondre à des enjeux d’ordre esthétique, à devenir un assistant du jeu des acteurs et un moyen de mise en scène.

Dès le XVIIe siècle (Nicola Sabbattini), la disposition des chandelles et des lampes à huile était étudiée pour mettre en valeur l’esthétique en usage à cette époque où le devant de la scène, les artistes et les toiles peintes étaient les seuls éléments éclairés. Au XIXe siècle, l’apparition des appareils d’éclairage au gaz permet d’éclairer le plateau sur toute sa profondeur tout en modulant l’intensité lumineuse ; l’exploration de nouvelles esthétiques devient donc possible en déployant les artistes sur l’ensemble du plateau et en nuançant la lumière (Adolphe Appia) par l’alternance des scènes nocturnes avec des scènes plus éclairées. Toutefois à cette époque, en venant bousculer les repères établis, l’éclairage au gaz et ses caractéristiques esthétiques (forte luminosité modulable jusqu’à la quasi-obscurité) sont l’objet de vives critiques. De la même manière, il sera reproché un peu plus tard à l’électricité de produire une lumière trop statique par opposition au vacillement de la lumière produite par inflammation d’un combustible (chandelle, huile, gaz). Pourtant, avec les possibilités de mobilité des sources d’éclairages et de coloration de la lumière, l’électricité a permis l’apparition d’esthétiques nouvelles et de la dramaturgie de la lumière.

Le XXe siècle verra apparaître différentes esthétiques de la lumière : le « plein feu » de lumière franche, où les projecteurs sont à la vue du public pour ne rien lui cacher et qu’il n’oublie pas qu’il est au théâtre (Bertold Brecht) ; la lumière « blanche » directionnelle et « découpée » en zones dramatiques (Jean Vilar) ; la lumière « colorée » du music-hall ; la lumière d’influence picturale où l’ombre et le clair-obscur sont sublimés (Giorgio Strehler, Patrice Chéreau) ; la lumière cinétique et spectaculaire des concerts de grande ampleur. Au cours du XXe siècle ces dominantes esthétiques se sont succédé, ont alterné ou ont coexisté ; tout en restant les principales influences esthétiques, elles s’inscrivent aujourd’hui dans une dynamique de mélange et d’hybridation.

Chaque période de transition entre une ancienne et une nouvelle technologie d’éclairage s’est accompagnée de critiques négatives relatives à la perception des couleurs et à la sensation provoquée par les nouvelles caractéristiques de la lumière. En modifiant notre perception des couleurs, l’utilisation de la LED s’inscrit dans cette dynamique. Pourtant, les récentes évolutions du matériel et de la technologie (LED, projecteurs asservis, réseau…) ne modifient pas le processus de conception de la lumière de spectacle et permettent de s’adapter aux différentes esthétiques. Les avancées techniques qui coïncident depuis toujours avec les transformations économiques, sociales et esthétiques, peuvent permettre d’explorer de nouveaux territoires artistiques et esthétiques, mais nécessitent un certain temps pour se faire accepter.

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