Qu'est-ce que l'évaluation ?
L’évaluation d’une politique publique a pour objet d’apprécier l’efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre. Évaluer, c’est donc former un jugement sur la valeur de l’action publique et non un jugement de valeurs. Nous sommes bien loin des idées reçues cantonnant l’évaluation à n’être qu’un simple outil de communication, onéreux et inutile – « chacun sait déjà ce qu’il fait » –, voire un frein à l’action car « l’important c’est de faire ».
Ainsi, derrière la simplicité de la notion se profile la difficulté de l’exercice. Elle se heurte parfois aux objectifs discordants de l’action publique, à la difficulté d’en mesurer les résultats, notamment dans les domaines considérés comme subjectifs de l’art et des cultures, sans parler des réticences de toutes et de tous à soumettre son action et se soumettre à un jugement sur la valeur de cette dernière. Cette création de valeur est devenue un terme obsédant de notre occident. Mais dans le cadre d’un processus évaluatif, il ne faut pas l’entendre dans son sens économiste mais dans son sens étymologique, c'est-à-dire, être en mesure d’apprécier les qualités qui rendent dignes d’estime l’action et éclaire l’idéal à atteindre du groupe auxquels les acteurs culturels appartiennent à un moment donné.
L’évaluation d’un projet culturel devient alors un instrument de pilotage : d’abord, parce que répondre aux finalités d’une évaluation suppose que l’on soit en capacité de rassembler les données sur lesquelles s’appuie sa valeur ; ensuite, car elle nécessite une coopération active de ses parties prenantes. Elle fait donc partie intégrante du projet, dans ses finalités (output) comme dans son processus (input).
L’évaluation doit ainsi être intégrée dès la conception du projet culturel, y compris dans son montage financier, et suivie jusqu’à son achèvement. L’évaluation est d’abord un point de vue discuté et partagé dans une finalité décisionnelle : comment adapter, comment faire évoluer, comment améliorer tout aussi bien le jeu d’acteurs que les résultats ?
C’est à ces questions que l’évaluation d’un projet culturel de territoire doit être en mesure de répondre. Pour cela, elle doit à la fois suivre l’évolution du projet culturel et plus globalement celui du territoire dans lequel il est établi. Elle ne peut donc être que partenariale et partagée, contextualisée et différenciée, sans calque unique ou identique. Dans un vadémécum pour construire un PCT, voilà un postulat qui ajoute à sa complexité : tout territoire étant différent, toute évaluation doit être adaptée ! Difficile alors d’en proposer un protocole arrêté, car quelles pourraient être les spécificités communes à une évaluation des projets culturels de territoire là où il est plaidé pour une évaluation distinctive de chaque projet ?
Trois enjeux apparaissent toutefois dignes d’être mentionnés :
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Le premier concerne la clarification des objectifs : Un PCT lie des
collectivités et des établissements publics de taille et decompétences différentes. Cette inter collégialité demande d’une part d’accorder une importance aux termes employés et de bien vérifier que le lexique soit commun ; d’autre part, de s’assurer des finalités et des objectifs de chacun : « dis-moi quel est ton dispositif et je te dirai… ». Cet enjeu est la première pierre d’une évaluation commune qui autorise une connaissance réciproque des objectifs et des personnes. Elle institue également des modalités permanentes de gouvernance et des objectifs partagés : une évaluation ne peut répondre à des questions qui ne sont pas clairement posées. -
Le deuxième met en lumière le jeu d’acteurs : Un PCT associe des partenaires issus de segments différents de l’intervention publique : ici des opérateurs culturels, patrimoniaux et éducatifs, là des travailleurs sociaux, là encore des médiateurs environnementaux. Chacun d’entre eux disposent d’attentes et d’objectifs différents. S’il s’agit avant tout de bien les identifier et de s’entendre sur les objectifs de chacun, il convient dès l’origine de constater s’ils sont conjugables – intersectorialité – ou spécifiques, sectoriel – sans que pour autant aucun ne soit amené à porter un jugement de valeurs sur ces derniers ; un acteur culturel peut être heureux que le projet territorial d’EAC ait « amélioré le climat de la classe » sans que cet objectif ne lui soit propre.
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Le troisième enfin (et probablement le plus profond) renvoie à ce qui fait culture dans le territoire : L’évaluation du PCT demande à bien définir la place et la définition de la culture, place qui doit se traduire pour un
Établissement Public de Coopération Intercommunale dans un intérêt communautaire et éventuellement une compétence. Il y a donc un fort enjeu évaluatif à mettre en dialogue ce que chacun, comme représentant public ou comme personne, entend par culture dans le territoire donné. Il n’est pas question ici de dialogue entre les cultures – les cultures ne dialoguent pas – mais d’un dialogue entre les personnes et les parties prenantes de leurs cultures, qui ne sont ni des blocs homogènes ni des communautés qu’il conviendrait de servir.
Pour toutes ces raisons, l’évaluation d’un projet culturel de territoire est un bel outil de coopération au-delà de ses seules finalités normatives et instrumentales : par ses temps de rencontres et de confrontations, elle participe à organiser la collaboration ; par ses entrecroisements de compétences, elle produit des savoirs partagés qui enrichissent tout autant le projet que les parties prenantes elles-mêmes.